Les investisseurs étrangers plébiscitent l’Europe
LE MONDE ECONOMIE
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Par Denis Cosnard
Quand il vient en Europe, Nick Stanage n’arrive pas les mains vides.
Jeudi 21 mai, le patron du groupe américain Hexcel a lancé
officiellement à Roussillon (Isère), au cœur de la « vallée de la
chimie », un des plus grands investissements étrangers en cours en
France : la construction d’une usine de polyacrylonitrile, la matière
première de la fibre de carbone. Ce chantier de 200 millions d’euros n’a
pas démarré que le PDG en prévoit déjà la suite. Sur place, il a
annoncé un nouvel investissement de 20 millions d’euros pour accroître
les capacités de deux autres sites, en Isère et dans l’Ain. A la clé,
une centaine d’embauches. Les élus locaux étaient aux anges.
Une
parfaite illustration de la reprise actuelle des investissements
étrangers en Europe, y compris dans l’Hexagone. Les chiffres publiés
mercredi 27 mai par le cabinet EY (ex-Ernst & Young) sont éloquents.
En 2014, quelque 4 341 projets d’implantations et d’extensions de sites
ont été annoncés dans l’Europe au sens large (y compris la Russie),
soit 10 % de plus en un an, selon les pointages du groupe. Une hausse
qui amplifie le rebond de 2013.
Ces projets devraient aboutir à la création de plus de 185 500 emplois, « un niveau record », selon
EY. Et encore, ce décompte n’intègre pas les projets purement
immobiliers, ni ceux dans les hôtels, les restaurants et les commerces.
« La tendance devrait se confirmer cette année »,
ajoute Marc Lhermitte, l’un des auteurs de cette étude.
Le retour, même
timide, de la croissance en Europe encourage en effet les groupes
étrangers à s’y implanter. La baisse de l’euro, dont la valeur en
dollars a fléchi de 19 % en un an, alimente aussi le mouvement : elle
redonne de la compétitivité aux exportations européennes, et incite à
produire davantage en zone euro.
La force du Grand Londres
La
Grande-Bretagne est la première à bénéficier de cette embellie. Avec
887 projets annoncés en 2014, le pays reste la terre d’accueil
privilégiée des investissements étrangers sur le Vieux Continent. Un
succès lié, selon EY, à la force du Grand Londres, à sa spécialisation
dans la finance et les services aux entreprises, à son ouverture aux
investisseurs étrangers ainsi qu’à « l’hyper-flexibilité de son marché du travail ».
Le
18 mai, le groupe énergétique allemand E.ON a encore dévoilé un grand
projet d’éoliennes en mer, au large de Brighton, pour un montant de
1,9 milliard d’euros. La Grande-Bretagne est déjà le premier pays au
monde dans ce domaine. Un autre exemple ? Madame Tussauds. L’immeuble
dans lequel est installé le célèbre musée de cire appartiendra sous peu à
Fubon, un assureur de Taïwan.
Celui-ci a annoncé le 22 mai son
intention d’investir dans l’affaire 350 millions de livres, soit
492 millions d’euros.
Avec 763 projets en 2014, l’Allemagne se situe toujours sur la deuxième marche du podium européen, et poursuit sa progression. « Elle
attire en particulier les fonctions industrielles et les pays émergents
asiatiques, qui en font une base d’expansion vers l’Europe de l’Est et
la Russie », notent les experts d’EY.
Succès en trompe-l’œil
Ravalée
au troisième rang en 2011, la France profite aussi de la reprise. EY y a
recensé 608 projets lancés par des groupes internationaux, soit 18 % de
plus en un an. Sur ce critère, 2014 constitue l’un des meilleurs
exercices enregistrés depuis une décennie. Tandis que Londres attire les
sièges sociaux comme un aimant, la France demeure la première
destination européenne pour les implantations industrielles.
Mais
il s’agit d’un succès en trompe-l’œil. Si l’investissement étranger
reprend, il n’entraîne pas l’emploi. A peine 12 600 postes sont attendus
des projets de 2014, soit 11 % de moins qu’en 2013. Une profonde
déception, dans la mesure où les pouvoirs publics déroulent le tapis
rouge aux patrons étrangers dans l’espoir, précisément, de résorber le
chômage. Ces données confirment la tendance déjà relevée en mars par
Business France, l’agence publique chargée de démarcher les
investisseurs tout autour de la planète.
Avec cinq ans de recul,
le mouvement est très net. Entre 2009 et 2014, le nombre de projets
étrangers a progressé de 15 % en France, une hausse deux fois plus
faible que dans le reste de l’Europe. Les emplois prévus, eux, ont
décliné de 6 % dans l’Hexagone, alors qu’ils ont bondi de 48 % en
Europe. Cherchez l’erreur…
Cap à l’est
« Les
entreprises à capitaux étrangers, investisseurs prudents, adaptent
leurs implantations au contexte fiscal et social français, notamment à
un coût du travail encore jugé comme prohibitif », analysent les
responsables d’EY. Elles localisent en France des centres de recherche,
agrandissent un peu leurs usines existantes. Mais quand il s’agit
d’ouvrir un site majeur totalement nouveau, elles préfèrent souvent
miser sur d’autres pays jugés moins coûteux et moins compliqués
juridiquement.
En Europe, cela signifie souvent mettre le cap à
l’est, comme s’apprête à le faire Jaguar Land Rover. Le constructeur
britannique, désormais filiale de l’indien Tata, hésite entre la
Pologne, la Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie pour
construire sa nouvelle unité destinée à alimenter le marché européen, a
révélé le Financial Times le 22 mai.
En moyenne, une
implantation internationale en France ne « produit » ainsi plus que
21 emplois. C’est un peu plus qu’en Allemagne (15), mais bien moins
qu’au Royaume-Uni (35), en Pologne (117) ou surtout en Roumanie (175).
Deux
chiffres résument mieux que tout autre la situation. En 2014, EY a
repéré en Europe 75 très grands projets internationaux, susceptibles de
créer chacun plus de 500 emplois. Un seul – une extension de l’usine
Toyota de Valenciennes – concernait la France.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/05/27/l-europe-attire-les-investissements-etrangers-comme-jamais_4641098_3234.html#Zgxlhc2mYCPOqDWF.99
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